Deux-mille-vingt aura été marqué par une crise sanitaire inédite. Que vous soyez professionnels ou particuliers, cette situation a pu révéler des carences dans vos relations contractuelles. Difficultés d’exécution, retards de paiements… La plupart des contrats n’avait pas anticipé la pandémie. Comment palier ces carences dans vos contrats actuels et futurs ?
Mars 2020. La Réunion est confinée, et cesse de vivre normalement. Les affaires tournent au ralenti. La faute à une épidémie dont la gravité a été mésestimée par tous.
Novembre 2020. Le virus honni est toujours là, alors il faut s’adapter et faire preuve de résilience. La reprise des affaires qui fait suite à cette longue période d’inactivité doit se faire avec le maximum de quiétude. Il faut aussi prévoir un rebond de l’épidémie sur l’Île et un nouveau confinement éventuel.
Qu’il s’agisse d’une relation propriétaire-locataire, professionnel-consommateur ou encore entre professionnels, il faut savoir faire preuve d’anticipation dans vos relations contractuelles, en usant des clauses et procédés adéquats.
Quelles sont les solutions existantes ? Sont-elles efficaces ?

1- La force majeure : inefficace ?
Pour justifier un empêchement dans l’exécution d’un contrat, la force majeure est fréquemment invoquée. Prévue à l’article 1218 du Code civil, elle se définit comme étant un événement imprévisible et insurmontable empêchant le débiteur d’exécuter son obligation.
Lorsqu’elle est invoquée, cette clause permet au débiteur de l’obligation de s’exonérer de toute ou partie de sa responsabilité contractuelle, tout en évitant une condamnation à d’éventuels dommages et intérêts.
Pour pouvoir être invoquée, il faut impérativement caractériser trois critères : l’irrésistibilité de l’évènement (un évènement qu’on ne peut surmonter), son extériorité (un évènement qui n’est pas dû à son propre fait), et son imprévisibilité (un évènement qu’on n’a pu prévoir).
Ainsi, la force majeure est certainement la raison la plus fréquemment invoquée pour éviter au débiteur d’une obligation contractuelle d’être sanctionné pour l’inexécution du contrat à cause de la pandémie.
Pour autant, cette clause est-elle toujours efficace en cas d’empêchement lié à la crise sanitaire ?
La question doit nécessairement être posée, s’agissant notamment du critère de l’imprévisibilité, qui pourrait faire défaut dans pareille situation.
En effet en cas de contentieux, un juge va apprécier le caractère imprévisible d’un évènement en menant une analyse in abstracto, par référence à ce qu’un professionnel « raisonnablement prudent », placé dans la même situation, aurait pu prévoir au moment de la conclusion du contrat.
Or, ne pourrait-on pas supposer que chacun, aujourd’hui, est en mesure de prévoir un rebond de la crise épidémique ? Au moment de ces lignes d’ailleurs, la France hexagonale est à nouveau confinée. En raisonnant ainsi, il est aisé de penser que si la force majeure peut être valablement invoquée dans des relations contractuelles antérieures au premier confinement, l’on pourrait aujourd’hui considérer que le critère tenant à l’imprévisibilité ne tient plus, pour la simple et bonne raison que l’état d’urgence sanitaire, les couvre-feux et les re-confinements guettent toujours, ce que chacun est en mesure de prévoir.
En plus de l’imprévisibilité, les deux autres critères ne doivent être en reste : faire reconnaître l’épidémie comme cas de force majeure revient pour le débiteur à démontrer que l’ensemble des critères est rempli.
Attention toutefois, tout reste une question d’interprétation de la notion, et la force majeure n’est donc pas automatiquement inopérante. La crise sanitaire est et demeure totalement inédite à notre époque, et personne n’est à même d’anticiper sur ce que le futur nous réserve.
Dans tous les cas, si vous la prévoyez dans votre contrat, il vous faudra faire attention à ce votre clause soit correctement rédigée. Enfin, si cette clause n’est pas mentionnée à l’acte, il faut absolument veiller à ce que la force majeure (qui n’est pas une disposition d’ordre public) ne soit pas expressément exclue de votre contrat !
2- L’imprévision : solution idoine ?
Prévue par l’article 1195 du Code civil, il s’agit là d’une clause utile pour renégocier un contrat, si l’exécution en devient excessivement onéreuse du fait de circonstances imprévisibles.
Cette clause peut être intéressante, puisqu’elle permet aux parties de solliciter une renégociation du contrat en cours d’exécution, pour qu’il puisse se poursuivre.
Pour être invoquée et donc obliger les parties à renégocier les termes du contrat, il faudra démontrer le respect de deux critères :
- Un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat ;
- Une exécution excessivement onéreuse pour une partie.
Deux solutions s’offrent alors aux parties : tenter et réussir une nouvelle négociation entre les parties au contrats, ou, en cas d’échec, saisir conjointement un juge et lui demander de procéder à l’adaptation du contrat.
Pour autant, le recours à l’imprévision n’est peut-être pas si aisé, puisque là encore, le critère lié à l’imprévisibilité pourrait conduire aux mêmes incertitudes qu’en matière de force majeure.
Enfin, si vous n’avez pas expressément prévu une telle clause dans votre contrat, ayez à l’esprit que le recours à l’imprévision ne saurait fonctionner s’il apparaît que les parties ont accepté d’assumer le risque d’un changement de circonstances imprévisibles. Là encore, il vous fait donc faire attention à la façon dont votre contrat a été rédigé.
Si tel est le cas, il serait peut-être de bon ton de renégocier les termes de votre contrat par le biais d’un avenant ! Votre avocat peut vous guider et vous conseiller dans son analyse.
3- Quelles autres solutions ?
En plus de ces deux premiers mécanismes, et face à leurs incertitudes, il existe des alternatives dans la rédaction de votre contrat, permettant aux parties de raisonner en bonne intelligence.
Ainsi dans certains contrats, il peut être malin de prévoir une clause permettant la résiliation sans faute du contrat en cas d’épisode de crise sanitaire rendant impossible l’exécution du contrat. Il vous faut alors faire très attention à la rédaction de votre clause, pour la rendre parfaitement adaptée à la situation, équilibrée, et donc non abusive.
Aussi, dans certains types de contrats qui supposent par exemple la réalisation d’une prestation dans un délai déterminé ou à une date déterminée, une clause permettant de prolonger cette durée ou cette date peut être prévue en cas de nouvelle crise sanitaire. Là encore, il faut faire très attention à la rédaction de sa clause.